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thingWORLD à la Triennale internationale en arts des nouveaux médias

Pékin, Chine

Du 10 juin au 7 juillet 2014

Commissaire

Zhang Ga

Le Musée d’art national de Chine (NAMOC) présente thingWORLD.  C’est la troisième fois que cette Triennale se produit et que Molior y présente des oeuvres d’artistes québécois et canadiens.

Le monde est un monde de choses. Sans « choses », en effet, il n’y aurait rien à décrire, rien à interpréter, rien à commenter, aucun signifiant évocateur pour stimuler l’imagination ou susciter une représentation. Il n’y aurait ni société ni culture. Le monde est un monde de choses. En mandarin, le mot « chose » est composé des caractères désignant l’Est et l’Ouest, soit une étendue géographique entre deux extrémités imaginaires dans l’esprit ancien. La chose est tout.

Longtemps, ce caractère fondamental de la chose a été occulté par la primauté de l’homme. La chose est devenue sans équivoque une mise en scène destinée à mettre en valeur le drame de l’humanité. Ce destin de la chose est sans contredit une construction de la modernité, un produit des Lumières, un nouvel ordre des choses où celles-ci sont assujetties à l’homme, lequel est centre et mesure de toutes choses (Heidegger), le Ding an sich (la chose en tant que chose) de Kant étant un sophisme. Comment penser, en effet, que la chose ait une autre fin que celle de servir l’homme? L’être chose n’a de sens que pour l’être humain et il demeure visiblement absent, comme le pose Heidegger qui a amplement développé cet état de « prêt à l’emploi » et d’assujettissement de la chose, dont la qualité de substrat n’est révélée que par un dysfonctionnement ou par une solution de continuité.

Imaginer la chose en tant que chose (Ding an sich) c’est faire une proposition fragile et agiter la promesse des Lumières et du sujet humain présenté à travers l’a priori qui légitime les constructions politiques et la production culturelle du monde moderne. Or, même si ce capital a été épuisé il y a longtemps par la dissipation du grand récit dans le sillage des horreurs de l’inhumanité, par la démystification postmoderne de la subjectivité dans le sillage des luttes entre genres, races et sexes et par le pluralisme multiculturel du contemporain, le litige ne s’éloigne jamais du « toi et moi », deux sujets qui assument intrinsèquement le pouvoir du discours, le pouvoir de déterminer ce dont on traite. La poursuite et le verdict ne quittent jamais la salle d’audience de l’habitat humain.

Or, une autre logique, spéculative de nature et sceptique à l’égard de l’axiome des Lumières, émerge à l’horizon comme une sorte d’antidote qui puisse rétablir les faits et briser le cercle vicieux du débat humaniste pour étendre le monde du sujet au monde de l’objet, au monde des choses. Mais redonner aux choses le statut qu’elles ont perdu, faire connaître leurs réticences et leur rendre la place qui leur revient dans le monde humain aura forcément des répercussions politiques et culturelles. L’alignement de l’animé et de l’inanimé, de l’organique et de l’inorganique, de l’humain et du non-humain entraîne une multiplicité démocratique qui risque de rompre un équilibre déjà menacé par les querelles véhémentes entre idéalisme et réalisme qui sous-tendent l’exégèse de l’équité. La ré-initiation du monde des choses proclame en effet une ontologie radicale de l’égalité. Et l’égalité de toutes choses exclut l’interminable rivalité entre sujet et objet, entre le « je » et l’« autre » et entre tous les corollaires répressifs du même genre. L’égalité de toutes choses impose une trêve au conflit censé irréconciliable qu’alimentent la représentation et l’identité et dont la frivolité est accentuée par des phénomènes tels l’inexorable réchauffement planétaire et l’impasse écologique, imputables à l’orgueil démesuré du monde des humains.

Cette tentative de ré-illumination met en lumière une réalité jusque ici occultée, c’est-à-dire la réalité technique, dont elle est d’ailleurs une transduction puisqu’elle permet un transfert réciproque entre humanité et technicité. Cette reconnaissance, du reste impérative, nous fait apprécier progressivement un nouvel ordre mondial composé d’êtres physiques, d’êtres techniques et d’êtres humains (Simondon) d’égale stature. En l’occurrence, la technologie regagne son potentiel libérateur, en tant que chose mais aussi en tant que négociatrice ou médiatrice entre le monde des humains et le monde des choses.

L’exposition montre ce syncrétisme prometteur d’un monde d’actants (dirait Latour) de tous types, mais animés, vivants, présents. Dans sa modalité instigatrice, en effet, la technologie (comme transduction entre humanité et technicité) est peut-être cette candidate improbable, capable de faire pièce à l’anthropocentrisme : grâce aux êtres techniques, les êtres physiques concrétisent leur propre présence vivante et leur propre pouvoir d’agir, de créer, de se reproduire et de se maintenir en vie, ce qui suggère une viscéralité conative des êtres humains. Ces derniers agissent et interagissent, dialoguent et monologuent ou s’expriment en chœur au sein de l’assemblage du monde des choses. Cette célébration du monde des choses est une occasion bienvenue de sortir de l’impasse d’une production culturelle exclusivement tributaire de l’hypothèse d’un sujet humain qui disposerait d’un champ d’action très élargi. Il en naîtra un monde nouveau de discussions, des entreprises génératrices de formes inédites d’expérimentation artistique et un nouveau vocabulaire de manifestations esthétiques.

 Première partie : Monologue – Ding an sich (la chose en tant que chose)

Deuxième partie : Dialogue – Ding to thing

Troisième partie : Ensemble – Le parlement des choses

[Zhang Ga, commissaire]

Zhang Ga

Zhang Ga est un commissaire, artiste et professeur en arts médiatiques. Il a exposé internationalement, notamment au Centre Ars Electronica (Autriche), au Festival d’Art d’Adélaïde (Australie), au festival DEAF (Dutch Electronic Art Festival, Pays-Bas) au Whitney Museum of American Art (États-Unis), au Musée d’Art de Singapour (Singapour) et au Centre d’art Nabi (Séoul, Corée du Sud).

Il a organisé des conférences et des salons en arts numériques, et couramment il écrit, enseigne et intervient en qualité de critique sur les pratiques en arts médiatiques. Il a également été membre de jury pour des demandes de bourses en arts médiatiques.

Il est le directeur artistique et commissaire de SYNTHETIC TIMES – Media Art China 2008, un projet culturel relié aux Jeux Olympiques de Beijing et présenté au National Art Museum of China durant ces Jeux de 2008. Il fut aussi le directeur artistique et commissaire de Millennium Dialogue: Beijing International New Media Arts Exhibition and Symposium en 2004, 2005 et 2006.

Ses précédents mandats de commissaire incluent les suivants : Code:Blue, 3rd Beijing International New Media Art Exhibition (au Millennium Museum de Beijing, Chine), l’European Media Art Festival de 2006 (comme commissaire invité, à Osnabrück, Allemagne), Container Culture – ISEA2006 / ZeroOne, a Global Festival of Art On the Edge (San José, États-Unis), New Directions from China (galerie Plug-in à Bâle, Suisse), The Passage of Mirage — Illusory Virtual Objects (Chelsea Art Museum à New York, États-Unis), Towards A Recombinant Reality (Alternative Museum à New York, États-Unis). Avant de rejoindre l’Institut de Technologie de New York en 2005, il a enseigné durant de nombreuses années dans le cadre du programme du MFA Design and Technology à la Parsons School of Design.

Zhang Ga a étudié à l’Université des Arts de Berlin (UDK, Allemagne) et détient un Master of Fine Arts (MFA) de la Parsons School of Design de New York. Il est aussi Professeur invité à l’Académie d’Art et de Design de l’Université de Tsinghua à Beijing.

Artistes et œuvres

Catherine Béchard & Sabin Hudon
La voix des choses

2004/2005

bois, aluminium, brosses, papiers, moteurs, microphones, électroniques, amplificateurs, haut-parleurs, interface midi, interface audio, capteurs, ordinateur

Deux immenses balais mécaniques, plus grands que l’échelle humaine, sont suspendus et s’animent dans un mouvement de balancier. Leur rythme, parfois très lent, nous donne l’impression d’être suspendus dans le temps et leur démesure, un sentiment de fragilité et de perte d’équilibre. Au passage, ils frottent et grattent un amoncellement de papier journal. Des microphones insérés dans les brosses captent les vibrations du papier et s’ensuit un balayage d’ondes qui nous révèle le potentiel « bruitiste » de ces matériaux que nous côtoyons tous les jours. Les journaux et les brosses deviennent ainsi « objets sonores » et se font entendre dans une cacophonie lancinante, rumeur qui se fait incessante et fragile par le mouvement du dispositif.

La machine s’active à partir du moment où les déplacements des visiteurs sont recueillis par des capteurs. Ils sont ensuite interprétés de manière à influer sur les mouvements des balais mécaniques, les signaux sonores et leur diffusion dans l’espace. Les visiteurs peuvent modeler le territoire sonore par leurs déambulations. Ils ont le choix de leur propre temporalité et sans eux La voix des choses restera immobile et silencieuse.

Programmation MaxMSP : Patrice Coulombe 

Catherine Béchard et Sabin Hudon forment un tandem d’artistes depuis 1999. Ils vivent et travaillent à Montréal. La matière sonore et le mouvement sont au cœur de leurs champs d’investigation. Ils s’intéressent aux sons/bruits générés entre autres par des sources acoustiques, à leur propagation, aux impressions qu’ils procurent ainsi qu’aux « choses » et aux « silences entre les choses » qui composent nos champs perceptifs. Leur démarche s’actualise autour de propositions esthétiques variées intégrant la sculpture sonore, l’installation cinétique et sonore, l’art audio et la performance, des configurations, formes ou pratiques qui se rencontrent parfois au sein d’une même œuvre.

Par l’engrenage des tensions fugaces entre la vue et l’ouïe, le duo réalise des œuvres qui s’attachent à rendre visibles et audibles des éléments anecdotiques et souvent inaperçus de notre quotidien. L’environnement spatial est pris en compte ainsi que la motricité ou l’immobilité des corps qui le traversent. Leurs réalisations ont été présentées lors d’expositions individuelles et collectives dans de nombreuses villes du Canada, en République tchèque, au Brésil, aux États-Unis et en Allemagne.

bechardhudon.com

Jean-Pierre Gauthier
Rut
2004
 
tubes en acier, câbles électriques, câble audio, console de mixage, micros piézoélectriques robotisés, haut-parleurs, moteurs, microcontrôleurs, divers objets

Cette installation évoque une sorte de mécanique organique capable de faire apparaître une dimension cachée émanant des choses.

Ressorts, assiettes à tarte, attaches de plastique, limes à métal, boules de pétanque et autres objets divers s’animent de façon aléatoire, gigotent, vibrent ou tournent sur eux-mêmes pour produire des sons étonnants qui nous transportent dans des univers étranges.

L’écart entre la banalité des objets et leur richesse sonore provoque une fascination et pose une forme d’énigme au visiteur qui tente de retracer la source des sons. Cette installation met l’accent plus spécifiquement sur les références animales des sons et sur les références végétales des structures. L’écart référentiel entre les sons et les objets de ces dispositifs fait aussi allusion aux rapports éloignés et artificiels que nous entretenons avec la nature. Tel un zoo recréant un environnement pseudo-naturel, des espèces issues de bricolages absurdes lancent leurs cris.

Jack Shainman Gallery, NY

Jean-Pierre Gauthier poursuit une démarche hybride intégrant les arts visuels et la conception musicale autour d’installations cinétiques ou sonores, d’instruments de musique inventés ou automatisés.

Ses œuvres ont été montrées à travers le Canada, en Europe et en Asie. Une rétrospective de son travail a été présentée au Musée d’art contemporain de Montréal en 2007, puis mise en circulation en Amérique du Nord jusqu’en 2010. Molior a présenté plusieurs de ses œuvres à São Paulo au Brésil, notamment lors du FILE – Festival Internacional de Linguagem Eletrônica en 2012 et dans le cadre de Despertar / Éveil / Alive en 2014.

En 2004, Jean-Pierre Gauthier remporte le prix Sobey pour les arts; l’année suivante, le Conseil des arts du Canada lui remet le Prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton. En 2012, la Ville de Montréal lui accorde le Prix Louis-Comtois. Il est représenté par Ellephant à Montréal et à Toronto.

Le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée d’art contemporain de Montréal, le Musée des beaux-arts de Montréal et la Art Gallery of Nova Scotia comptent de ses œuvres dans leurs collections. En 2016, comme suite à l’acquisition d’Orchestre à géométrie variable (2013-2014), le Musée d’art contemporain de Montréal l’expose et en documente l’installation afin d’en assurer la conservation.

www.gauthier-jp.com

Jonathan Villeneuve
Être bien encadré
2012-2013
 
Bâton de pluie de cactus, bois, moteurs, plastique, microcontrôleurs, écrans d’ordinateur

L’œuvre Être bien encadré est conçue de façon à définir un espace, à encadrer un trajet. Elle propose des mises en scène à travers lesquelles le public est invité à se déplacer, des paysages automates qui se déploient dans la parité du dialogue nature-technologie, où la prédominance de l’un sur l’autre semble inexistante. Alors que le rythme cadencé de ces assemblages témoigne d’une orchestration planifiée, leur mouvement organique d’ensemble restitue quant à lui l’instabilité propre au vivant. Cette œuvre implique physiquement le spectateur de par son échelle et renvoie à une expérience personnelle et incarnée de l’architecture, en tant qu’environnement construit. Elle le place au centre d’une expérience familière et hypnotique et à la fois poétique et immersive.

De nature signalétique, les objets animés et leur dispositif marquent l’espace. L’œuvre agit comme des balises en mouvement qui délimitent les trajets possibles et les modifient dans le temps, et joue avec les notions de distance et de proximité entre l’objet animé et le son produit. Le choix des matériaux, la disposition spatiale et la dimension sonore participent à l’élaboration d’une mise en scène. Attiré par le mouvement et les différents sons produits par la manipulation automatisée d’objets, le spectateur est invité à se déplacer dans le lieu afin de découvrir les multiples points de vue possibles. Les différentes structures articulées contribuent, par processus d’accumulation, à créer un paysage sonore.

Samuel St-Aubin: Électronique / Hardware et programmation

Thomas Ouellet Fredericks: Programmation logiciel

Jonathan Villeneuve est un artiste bricoleur qui crée des machines poétiques en assemblant des matériaux familiers dont il détourne la fonction d’origine. Ses œuvres bougent, émettent de la lumière et produisent du son, laissant le visiteur présumer leur fonction imaginaire.

Il est diplômé de l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal depuis 2006 et a terminé un MFA/Open Media à l’Université Concordia en 2009.

Son travail solo a été présenté au Québec et au Canada, notamment à la Galerie B-213 (Montréal), à la Galerie d’art de l’Université de Sherbrooke, à la Grunt Gallery (Vancouver), à la Eastern Edge Gallery (Saint-Jean, Terre-Neuve) et au Festival de musique actuelle de Victoriaville.

Il a aussi participé à de nombreux projets collaboratifs en art numérique qui ont été présentés dans plusieurs festivals et événements en Europe, notamment Carte blanche/Elektra (Paris), lab30 (Augsbourg), 404 Festival (Trieste) et le Athens Video Art Festival (Athènes). Originaire de Saint-Sauveur-des-Monts au Québec, il vit et travaille à Montréal.

jonathan-villeneuve.com

Martin Messier
Sewing Machine Orchestra
2012
 
Machines à coudre, haut-parleurs, câbles audio, câbles électriques, piézo, carte de son, électronique, ordinateur

Sewing Machine Orchestra est un arrangement musical fait uniquement à partir des bruits acoustiques de machines à coudre des années 1940, amplifiés par microcontacts et traités par ordinateur. L’œuvre interpelle surtout l’imagination de l’auditeur en soulignant le pouvoir évocateur de ces vieilles merveilles industrielles. Qu’elle rappelle un incident particulier ou un lien personnel avec ce type d’objet, la vue de ces machines laisse peu de gens indifférents.

Messier ne coud pas : il ressuscite le chant de vieilles Singer plongées dans le sommeil voici des années, pour faire rayonner par quelque magie la présence lumineuse et sonore du passé. Il emporte son public dans un univers onirique où chaque machine est magnifiée comme s’il était unique. L’orchestre redonne voix à ces survivantes de l’ère industrielle après des années de silence.

 

Martin Messier : Audio, programmation et performance

Samuel St-Aubin, Jean-François Piché : Électronique     

Production : 14 lieux, Perte de Signal

Cette création a été rendue possible grâce au soutien du Conseil des arts du Canada, de la Maison des arts de Créteil et du Festival Exit (Paris).

Martin Messier est compositeur, performeur et vidéaste. Si le son est le moteur de toutes ses créations, il s’ouvre rapidement à la rencontre entre la musique électroacoustique et les autres formes d’art, ainsi qu’aux collaborations artistiques.

Ses œuvres en viennent à se concrétiser dans un rapport entre le son et la matière, qu’elle soit matière-objet ou vivante. Il fait vivre le son dans des objets aussi divers que des machines à coudre, des crayons, des réveille-matin et des machines inventées.

À l’origine de cette rencontre, il y a l’idée de pousser toujours un peu plus loin l’imaginaire du quotidien, de magnifier ces objets en leur donnant la parole et en réinventant leur usage. Le fondement du dialogue entre le son et les corps en mouvement réside dans le désir de renverser le rapport hiérarchique habituellement entretenu entre musique et chorégraphie pour que le son devienne le moteur des gestes.

En 2010, Messier fonde 14 lieux, compagnie de production d’œuvres sonores pour la scène, afin de donner une plate-forme à ce nouveau type de créations sonores.

mmessier.com